De Paris à Saint Germain des Vaux, de l’APSM à l’AFSM
Une histoire d’amitié et de solidarité

Le Patro est une œuvre parisienne

Au milieu du XIXe siècle, développant le thème de la Charité agissante, Le bienheureux Frédéric OZANAM, membre de la paroisse Saint Etienne du Mont, fondateur des conférences Saint Vincent de Paul, a été à l’initiative de la création de nombreuses Œuvres parisiennes ; Les Apprentis Orphelins d’Auteuil, … et, sur son territoire paroissial, le Patronage Sainte Mélanie en 1850 au cœur du quartier industrieux de la Mouffetard.

A cette époque, les gamins vivaient dans la rue. Ils allaient en bandes organisées, livrés à eux-mêmes, sans éducation ni moralité, troussant les passants, injuriant et rackettant les commerçants, … Rares étaient les maîtres d’apprentissage qui voulaient bien se donner la peine de former ces enfants. Et parmi ceux qui prenaient le risque de le faire, nombreux étaient les exploiteurs et les esclavagistes. Il était nécessaire de créer un « lien » social.

De cette nécessité, l’idée du « patronage » est née. Lieu d’éducation et de moralité pour les jeunes il présentait les meilleures garanties aux futurs maîtres d’apprentissage. La fédération des jeunes au sein du patronage donnait du poids au dialogue employés-employeurs et permettait de faire respecter les droits des apprentis.

Œuvre de jeunesse, depuis toujours, le patro a pour objet la création et l’entretien de liens de solidarité et d’amitié durables entre ses membres. Pour cela, il est en permanence ouvert à son époque et sur le monde dans lequel il inscrit son action. Il développe son objet à travers des actions éducatives, sportives, culturelles, de solidarité, caritatives,  …

Ainsi, au travers de son histoire le patronage Sainte Mélanie a géré des activités telles que : un lieu d’enseignement pour les déshérités, une caisse de mutualité, un foyer d’apprentis, un centre de préparation militaire, un centre de loisirs agréé, un centre sportif agréé, … Avec successivement, la disparition des anciens après la guerre de 14-18, l’interdiction d’exercer pendant la guerre de 39-45 (malgré cela, les actions ont continué), mise en veille entre les années 1960 et 1980, …

Aujourd’hui, la population du quartier Mouffetard et ses modes de vie ont changé. Devant les réflexes individualistes, les projets de vie réduits à la consommation, la seule référence de l’argent, l’absence de beaucoup de parents, les solitudes diverses et nombreuses, … Le besoin de liens de solidarité et d’amitié entre les personnes est toujours aussi vif. En l’an 2000 le patro a eu 150 ans ; aujourd’hui, il continue son action.

Installé rue Tournefort depuis 1928, et dans des locaux neufs depuis 1980, le patro propose de nombreuses activités, pour tous les âges et tous les goûts : un centre de loisirs le mercredi, de l’aide aux devoirs pour les enfants d’âge primaire et collège, des cours sportifs et culturels en soirée, une section de football, une section de tennis de table, un accueil pour une plate-forme de formation et de réinsertion GRETA, une kermesse, un rallye, un journal, un ludothon, des centres de vacances aux périodes de vacances scolaires, un club de boulistes, …Mais Paris n’était pas suffisant pour occuper les enfants pendant les vacances scolaires: les anciens nous ont laissé l’amour du pays de la Hague et du fort Saint Martin à saint Germain des Vaux.

Le Patro et la Hague ont 100 ans de vie commune

Dés 1907, la question des vacances des jeunes parisiens scolarisés s’est posée. A cette époque le patronage était dirigé par un jeune vicaire M. L’abbé WIESNIEG de la paroisse voisine, Saint Etienne du Mont. Ancien marin, aimant à se promener dans la campagne haguaise, il a découvert le fort et en était tombé amoureux. C’est tout naturellement qu’il songea à y emmener des petits parisiens au moment des vacances. Les premières années, le fort fut prêté au patro  pendant 3 semaines l’été.

En 1921, le patro a acquis le fort et ses dépendances. Tous les ans le patro y organisait des colonies de vacances. Le centre était trop petit pour accueillir tous les enfants de l’œuvre. Après avoir reconstruit la chapelle, au début des années 30, le fort fut surélevé d’un étage en 1936, doublant ainsi sa capacité d’accueil et d’hébergement.

Pendant la guerre le fort fut réquisitionné par l’occupant : les installations et les extérieurs du fort, comme la vie de l’association à Paris, ont beaucoup souffert durant cette période. En 1946, les terrains déminés, les dommages de guerre ont a peine suffit à le remettre en état : un simple puits d’eau froide, quelques lavabos en zinc, des paillasses, des lampes à huile, une grande bâche sur la terrasse… Les plus « grosses » années, juste après guerre, ont vu défilé près de 150 petits parisiens chaque mois de l’été.

Les très nombreux anciens de l’association ont tous rêvé de transmettre aux nouvelles générations du patro, l’amour et l’attachement qu’ils portaient à cette région et à ce coin en particulier. Le fort symbolise pour eux des moments inoubliables de leur vie d’enfant et d’adolescent. Cependant, faute d’un encadrement suffisant, et faute d’argent pour rénover les locaux parisiens, l’association a été mise en veille de 1960 au début des années 1980. Le recrutement des jeunes a été momentanément interrompu.

Pour autant le fort n’était pas abandonné : Les séjours des anciens au fort, pendant les W.E. de la pentecôte ont continué, l’aumônerie de Cherbourg occupait régulièrement les lieux. Vers 1970, le fort, sa région et l’affection que leur portaient les anciens ont contribué à fédérer les plus jeunes parmi eux. Ils se sont retrouvés autour de ces lieux et ont décidés de « relancer » le patro au sein du quartier Mouffetard. Ils étaient moins de 200.

Aujourd’hui, depuis 1980, le patro a intéressé et continue d’intéresser plus de 1700 familles. Les centres de vacances ont repris et sont régulièrement organisés au fort. Depuis cette date, c’est près de 1 400 petits parisiens qui ont connu les joies qu’avaient connu leurs anciens. Parmi les plus anciens de tous ces jeunes, ayant passé l’âge d’être colons, nombreux sont ceux qui reviennent au fort avec plaisir et ont à cœur, à leur tour, de transmettre aux plus jeunes générations du patro l’amour et l’attachement qu’ils portent à cette région et à ce coin en particulier.

Le Fort Saint Martin est un lieu de vie

D’une tradition éducative visant à développer l’individu dans une « expérience de vie collective », la colonie de Sainte Mélanie est la dernière survivante dans ce coin perdu de France La dernière connue avec elle dans le pays haguais, la colonie de Saint Léon, a disparu dans les années 60. Ce qui a « sauvé » le fort et les colonies de Sainte Mélanie, c’est l’amour irraisonné que lui portent les anciens du patro, et les souvenirs qu’ils s’y sont faits lorsqu’ils étaient enfants.

Vu par des yeux d’enfant, le fort est un endroit magique et mystérieux. Par son caractère minéral, il impose un sentiment de solidité de durabilité : Dans le monde qui bouge en permanence, le fort est « repère » et « repaire » à partir duquel, enfant du patro, on peut s’aventurer dans le monde et commencer à construire des relations permanentes dans le temps. Par sa situation, au bout de la terre, là où commence la mer, le fort est comme l’étrave d’un navire qui fend les eaux. En route vers un avenir prometteur, il reste mystérieux sur le cap vers lequel il avance inexorablement.

Pour un petit parisien, la région immédiate est un immense terrain d’aventure et de découverte : La variété et la beauté des paysages, les immenses possibilités de balades et de randonnées pédestres, les installations d’équitation, de voile, de speed-sail, de baignades, de camping, … La « patrie » de Millet, de Prévert, … la découverte du milieu naturel, la pêche, la « rocaille », les herbeuses, le littoral et la variété de ses écosystèmes, … Tout cela, à leurs yeux, c’est le fort qui les accueille et qui leur permet, dans une relative liberté, ces aventures et ces découvertes.

Trois semaines passées en colo au fort pour un enfant constituent un moment important de son « éveil » au monde. Par les cris de joie dont il résonne, le fort est un lieu, un outil privilégié d’apprentissage de la vie d’équipe et d’estime réciproque entre tous. Dans ces moments de vacances, on prend le temps de découvrir et de tisser des relations. L’équipe d’animation y veille particulièrement. Par la rencontre, par le rire, par le jeu, le fort se fait le complice de moments chaleureux et d’émotions intenses. Pour ces enfants, le fort devient un lieu « quasi-mythique » où l’idée même du bonheur s’y rattache.

Personne n’est obligé de s’y plaire… Cependant, cet attachement au fort n’est pas un phénomène passager. En effet, chaque année près de la moitié des enfants présents l’an passé à la colo revient avec un grand enthousiasme en ramenant à leur tour des copains et des amis. Pour quelques uns, ils viennent jusqu’à cinq années de suite pendant les trois semaines de juillet. Ceux-là regrettent leurs 13 ans, âge fatidique à partir duquel on ne les accepte plus en colo. Alors ils patientent jusqu’à leur 18 ans pour devenir animateurs de la cola à leur tour.

On l’aura compris, le fort est pour le patro, anciens, modernes, jeunes, moins jeunes, …, un lieu de vie chargé d’affection et d’histoire. Aussi, au patro, chacun se réjouit dés que le fort s’ouvre également à d’autres groupes : randonneurs, IME, scouts, aumôneries, camp d’adolescents, … Tous espèrent que ce lieu sera pour chaque visiteur un endroit inoubliable, déconnecté du temps, plein d’émotions et de vie.